PÉRIGNAC : MÊLÉÜS ET LES CITÉS DE L’AN 2200

Paichel ou encore Mercéür retourne se reposer sur son îlot intemporel avant d’entreprendre sa prochaine mission. De son côté, son jumeau qui se donne le prénom de Mêléüs ou encore de Mêléüs Denlar Paichel doit accomplir la sienne, très délicate d’ailleurs, dans le futur. En effet, on se souvient qu’il traversa le miroir du coffre que le chien Boubou recouvrit ensuite de terre pour empêcher les Yopis de le découvrir. Notre missionnaire apparut en l’an 2200 après J.-C. Cela se passe à l’époque où les survivants de la fin des civilisations qui se trouvaient sur une base lunaire sont finalement revenus sur Terre. Ils vivent dans cinq cités recouvertes de dômes qui les protègent contre les radiations néfastes du soleil. Personne n’en connaît la raison et c’est donc Mêléüs qui devra tenter de résoudre ce problème. Voici : Mêléüs et les cités de l’an 2200.

Les villes de l’an 2200 étaient peu nombreuses sur la planète Terre, suite à d’importants conflits nucléaires et surtout de séismes écologiques. Depuis une centaine d’années, il fallait se protéger contre les radiations du soleil. En effet, si pendant des millénaires les hommes vécurent sans craindre les coups de soleil, les survivants du deuxième centenaires de l’an deux mille devaient vivre dans des cités recouvertes de dômes bleutés, véritables écrans protecteurs contre le poison solaire.

Personne ne pouvait sortir des villes sans porter une combinaison spéciale qui empêchait leur peau de brûler au contact de l’air pollué et du soleil meurtrier. On disait qu’il était devenu cancérigène depuis qu’une étrange tache remplaçait la couche d’ozone. On lui donnait le nom de fausse Saturne puisqu’elle tournait lentement autour de la Terre comme un anneau blanchâtre presque transparent. Les scientifiques ne pouvaient identifier les différents composés de cette tache mortelle qui empêchait le soleil de briller normalement puisque sa lumière se transformait en poison dès qu’elle traversait ce nuage créé par des savants fous. Selon certains audacieux spéculateurs physiciens de la cité CENTROMAX, il aurait suffit d’un simple petit virus inconnu pour créer ce noyau néfaste autour de la planète. Cette opinion n’était pas unanime puisque les scientifiques des quatre autres grandes villes du monde pensaient, au contraire, que la fausse Saturne était composée de déchets radioactifs accumulés sous la couche d’ozone. Quoi qu’il en soit, il n’était plus possible de vivre à l’air libre.

Un matin, une lumière fila à une vitesse folle au-dessus de la cité Centromax pour ensuite traverser son immense dôme bleu sans pour autant le transpercer. Aussitôt après, un homme vêtu d’un genre de tutu primitif, sortit d’une faille lumineuse pour ensuite se faire pousser au fond d’un corridor par l’étrange objet de l’espace. En réalité, il s’agissait d’un fantastique couloir qui permettait à cet homme de voyager un peu partout dans le temps afin d’y accomplir des missions originales. Ce voyageur s’appelait évidemment, Mêléus Denlar Paichel, pour ceux qui le connaissent déjà. Il venait de terminer une aventure à l’époque de l’Atlantide et se retrouvait à présent en l’an 2200 après Jésus-Christ.

Tous les systèmes de surveillance de la cité de Centromax se mirent à clignoter et à crier comme des canards enrhumés dès qu’ils perçurent la présence du pauvre Paichel.

- Attention, présence non identifiée dans la section trois mille vingt-quatre, indiqua un technicien, assis devant un immense écran couleur de la centrale de sécurité publique.

- Pourquoi êtes-vous donc incapable d’identifier cet étranger, demanda un homme à la voix rauque. Sortez le logiciel des naissances, imbécile!

- C’est lui qui me dit que cette présence est “ non identifiable ”, lui répondit le technicien d’une voix frustrée.

- Ce logiciel est parfait, mais vous, faites-moi aller vos doigts sur l’index des androïdes étrangers pour voir s’il ne s’agit pas d’un modèle trop récent pour avoir été inscrit sur la liste officielle.

- C’est ce que je fais, monsieur, répondit notre homme qui semblait vouloir faire son travail sans se savoir surveillé constamment par son patron.

En effet, un homme chauve et costaud se promenait dans la salle en passant à travers les tables et les objets de la pièce comme un fantôme. En réalité, il s’agissait d’une simple projection ou un genre d’hologramme du chef de la sécurité publique. Celui-ci aimait ennuyer ses employés en les intimidant avec ce gadget préféré des dirigeants de la cité qui avait pour nom : présence virtuelle. Nous allons en expliquer brièvement le principe et sa principale utilité dans un monde où l’informatique était devenue une vraie religion. La “ présence virtuelle ”était celle d’un patron qui pouvait se trouver en compagnie des ses employés sans pour autant bouger de son bureau. Il projetait simplement son image réelle partout où il désirait se faire remarquer. Il n’était pas là en chair et en os, mais dès qu’on voyait une projection patronale, les employés savaient parfaitement qu’ils étaient observés par celui qui s’amusait à faire promener son image dans la pièce. C’est évident qu’un patron aimait cette invention de la fin du XX e siècle qui valait mieux que le simple contact visuel sur un écran d’ordinateur pour parler à ses employés. Ainsi, l’hologramme du chef de la sécurité finit par se dresser derrière le pauvre technicien pendant qu’il pitonnait nerveusement sur un grand clavier d’ordinateur.

- Il n’y a rien sur ce fichu individu dans le logiciel sur les androïdes.

- Vraiment? Je vois un étranger se promener dans un corridor et tu oses me dire que tu ne peux l’identifier? Tu n’es qu’un imbécile et un incompétent pour ne pas pouvoir me dire qui je vois sur ton écran. Il est là ou non sur ton moniteur?

- Oui monsieur, mais il n’existe pas dans notre système informatisé.

- C’est impossible, cherche encore avant que je t’envoie suivre d’autres cours sur la logistique. Si cet étranger est là, nous devons pouvoir l’identifier puisque personne ne peut naître sur Terre sans figurer dans notre logiciel universel. Tu devrais te rappeler ce qui arrive aux citoyens qui ne répondent plus aux critères de l’équilibre social, n’est-ce pas?

- Mais je cherche, monsieur, lui répondit le technicien en pleurant. Je n’y comprends rien.

- Ce n’est pas une raison pour justifier ton incapacité que je veux, mais l’identité de cet étranger.

Le vieil homme pleurait par crainte de devoir prendre sa retraite. C’était pire que mourir à son travail puisqu’un retraité n’avait plus de droits sociaux du fait qu’il n’était plus utile pour l’ordre mondial. En somme, un citoyen qui ne représentait pas un PLUS pour le système, devenait par conséquent un MOINS pour celui-ci. Donc, en toute logique, il ne fallait surtout pas déséquilibrer la société en ayant trop de “moins utiles ” aux frais de l’État. Personne ne pouvait contester cette étrange morale de l’équilibre en toute chose. C’est pour cela que le chef n’admettait pas qu’on puisse exister sans avoir reçu avant sa naissance, sa place dans la société. Paichel ignorait sans doute qu’il venait d’arriver dans un monde où même la poussière ne devait pas dépasser la limite permise par la loi. Puisque ce voyageur de l’Intemporel n’était pas répertorié dans l’immense LOGICIEL DE LA VIE, il n’existait pas. Vous me direz que c’est insensé de penser ainsi, mais pour ces gens de l’an 2200, on existait seulement si le PROGRAMME UNIVERSEL O.M., le demandait pour équilibrer l’Ordre Mondial. Ainsi, O.M, c’était l’Ordre Mondial dans lequel tout citoyen fonctionnait selon les offres et les demandes de la société. Lorsqu’on parlait de l’OM, c’était comme si nous parlions de l’Homme, sauf que si ces deux noms étaient semblables phonétiquement, Paichel n’avait pas le droit de se considérer comme un humain et encore moins de s’en prendre à ce puissant programme d’ordinateur puisqu’il était d’une conception parfaite. Il était universellement reconnu par les cinq cités terrestres, dont celle de Centromax.

Notre voyageur se promenait dans un corridor de la 3024, c’est-à-dire dans l’une des vingt mille galeries qui composaient les routes de cette cité. Il n’y avait pas un seul centimètre de béton, de verre, de jardin et de route qui ne soit répertorié dans le programme universel. Cela empêchait ainsi un citoyen de modifier l’ordre établi pour tous. Lorsque Paichel brisa une large fenêtre pour savoir ce qu’il y avait derrière ce corridor, on vit aussitôt des petits véhicules d’urgence parcourir une autre galerie afin de venir changer cette vitre dès que notre homme se fit saisir par des policiers armés de bâtons paralysants. Le voyageur ne vit qu’une seconde ces hommes l’immobiliser comme une statue de sel. Il ne fallait surtout pas utiliser la violence dans cette cité : un hors-la-loi était touché par un courant si puissant qu’il avait l’air d’un zombie obéissant et docile. L’un des policiers demanda même au prisonnier de sourire et d’envoyer la main à des enfants qui passaient par là. Notre homme fut incapable de refuser une telle demande, surtout lorsqu’il vit un bâton se rapprocher de son cou pour le cas où il refuserait de sourire.

Le prisonnier monta dans une sorte de bulle de verre transparent, munie d’un petit propulseur silencieux. La grosse bille roulait dans un corridor sans pour autant obliger la cabine à suivre son mouvement giratoire. Assis confortablement sur une chaise capitonnée, Paichel regardait défiler derrière lui les nombreux quartiers de Centromax. Tout fonctionnait à merveille dans cette cité recouverte d’un dôme invisible à l’oeil nu. Le matin, le ciel était jaune puis, passait au vert dans l’après-midi pour finalement devenir rouge le soir. On avait installé des luminaires dans la voûte pour empêcher les citoyens de voir la véritable couleur du ciel. Il ne fallait pas oublier les couleurs du nouveau ciel puisque les citadins se fiaient sur elles pour savoir quand se lever, travailler, prendre ses repas et pour dormir. La nuit, on fermait les lumières du dôme afin de plonger Centromax dans la noirceur complète. Même un voleur préférait demeurer sagement chez-lui puisqu’il était formellement interdit d’allumer la moindre lumière pendant la nuit, pas même celle d’une lampe de poche. Si quelqu’un osait frotter la moindre allumette pour s’allumer une cigarette illégale, le programme de surveillance enregistrait aussitôt la provenance de cette étincelle et surtout par qui elle était créée. On devait dormir puisque cela était nécessaire pour la santé. La nuit, on dormait puisque c’était la loi.

Paichel fut conduit dans une petite salle où une dizaine de spécialistes tenaient absolument à l’analyser non seulement des pieds à la tête, mais surtout dans la tête. On voulait savoir pourquoi ce zombie n’était pas répertorié dans le programme universel. On lui fit retirer son tutu et notre homme s’empressa de voiler son sexe en disant :

- S’il n’y avait que des hommes devant moi, je comprendrais! Mais j’avoue éprouver une certaine jalousie masculine qui veut qu’on soit plus décent devant des femmes, surtout lorsqu’elles sont charmantes, n’est-ce pas?

- Nous sommes des anthropologues, lui répondit une femme en souriant de le voir si timide.

- Et moi, un homme normal, chère madame si vous insistez pour m’examiner sous ma faible protection.

- Vous n’êtes pas un homme mais un phénomène que nous devons étudier, lui répondit un savant en lui piquant rapidement le bras gauche.

Le pauvre voyageur devait logiquement sombrer dans un profond sommeil, mais il n’en fut pas ainsi. En effet, cet homme ne dormait jamais assez profondément pour ne pas entendre tout ce qui se dit autour de lui. Puis, aucun poison ou drogue ne pouvait agir sur lui. Paichel possédait des dons particuliers de pouvoirs communiquer avec tous les hommes, les animaux, les insectes et les minéraux. De plus, il était protégé par des Maîtres de l’invisible qui sauraient bien intervenir si ces gens-là s’avisaient à lui faire le moindre mal.

- Prenez son pouls, demanda un médecin à une infirmière.

- Je n’ai que quelques cheveux, chère madame, lui répondit Paichel en gardant les yeux clos. Vous avez donc peu de chance de trouver mes poux.

- Il ne dort pas encore, s’empressa de dire un psychiatre étonné par la résistance du phénomène. Donnez-lui une autre injection.

- Il risque de ne pas la supporter, lui dit le médecin inquiet.

- Bah! Faites-lui donc plaisir à ce toubib, dit Paichel en souriant comme un enfant. Piquez-moi pour la forme et non pour savoir si je risque d’en mourir.

Notre homme se mit à fredonner l’air de “ roule, roule, ma boule, ma boule ” en éprouvant une légère brûlure et pincement dans le bras droit.

- Oui, il va dormir rapidement avec ce que je viens de lui administrer.

- Je vous crois, lui répondit Paichel en continuant de fredonner son air favori. Je dors, oui je sens que je vais dormir profondément. Vous avez raison, ce produit est très efficace pour dormir.

- C’est incroyable, on dirait bien qu’il résiste encore?, demanda l’infirmière.

- C’est vous qui êtes ma force contre ce sommeil ingrat, chère madame, lui répondit Paichel en ouvrant un oeil amusé.

- Sortez Berthe, il doit dormir et c’est vous qui y faites résistance, dit le médecin sur le point de perdre patience.

- Mais c’est ridicule!, cria l’infirmière indignée. C’est votre drogue qui ne vaut rien.

- Non, c’est moi qui ne veux pas dormir, se contenta de dire Paichel en ouvrant les yeux. Si vous avez l’intention de m’étudier comme un cobaye humain, je ne suis pas d’accord avec vous.

- Vous n’êtes pas un humain, se contenta de répondre un savant spécialiste de l’informatique. La preuve, c’est que ces puissantes drogues n’ont aucun effet sur vous.

- C’est peut-être un androïde tellement sophistiqué qu’il a passé inaperçu au cours de l’histoire de notre cité, suggéra un autre spécialiste.

- C’est impossible, rien ne peut échapper à la vigilance du logiciel universel, lui répondit froidement l’informaticien.

Paichel se redressa sur la table d’examen pour s’exclamer d’une voix amusée :

- Je ne suis pas un corps robotisé, muni d’une cervelle informatisée comme les androïdes, mais bien un homme en chair et en os comme vous...du moins, je le souhaite. Mon nom est Mêléus Denlar Paichel, missionnaire des puissants Maîtres de l’invisible.

- Vraiment, vous nous en voyez ravi, lui répondit aussitôt le psychiatre. C’est tout de même dommage de ne pouvoir discuter avec vos maîtres invisibles, vous devez en convenir!

- Ne vous moquez jamais de mes Maîtres si vous tenez à m’interroger davantage sur ma présence ici, lui répondit Paichel sans hésiter.

- Bon, disons que je n’ai rien dit et que vous allez nous expliquer ce que vous faites dans notre cité.

- Je voyage dans le couloir Intemporel pour accomplir des missions à travers les différentes époques.

- Monsieur Paichel, nous sommes des gens intelligents qui peuvent comprendre parfaitement que vous êtes un phénomène que nous tentons de comprendre avant de l’identifier convenablement.

- Évidemment, vous ne me croyez pas, monsieur le psychiatre, mais cela m’importe peu puisque votre opinion et celles de vos collègues ne pourront m’empêcher d’accomplir mes tâches comme missionnaire.

- Et puis-je savoir quelles sont ces tâches?, lui demanda l’informaticien.

- J’avoue l’ignorer pour le moment, lui répondit le pauvre homme en soupirant. C’est toujours ainsi que cela se passe dans mes nombreuses escapades dans le temps. J’arrive quelque part sans trop savoir pourquoi mes Maîtres me désirent à cet endroit, plutôt qu’ailleurs. Puis, je me laisse simplement guider par eux à travers des événements auxquels j’y suis mêlé malgré moi.

- Cet homme ment comme il respire, s’empressa de dire l’un des trois anthropologues du groupe de spécialistes. Laissez-nous faire notre travail en classant rapidement ce phénomène avant que le logiciel exige ses coordonnées. Est-il un androïde ou un humain? Quel rôle lui fut-il attribué à sa naissance, s’il est humain et quand doit-il terminer son mandat social dans le cas d’un androïde? Nous devons le savoir sans quoi, l’équilibre de Centromax sera menacé.

- D’accord, lui répondit l’informaticien d’un air satisfait, comme je dois répondre aux questions du logiciel, il faut me fournir les réponses que je devrai donner sur ce phénomène.

En somme, tous ces spécialistes devaient rendre des comptes au logiciel de la cité puisque c’était ce programme qui gouvernait entièrement la vie de ces gens-là. On dira que c’est ridicule de se soumettre à la décision d’un programme d’ordinateur, mais sa perfection était-elle qu’aucun politicien, homme d’affaires et scientifique ne pouvait s’en passer. Pourtant, lorsqu’on lui proposait d’apporter une solution à cette étrange tache autour de la Terre, il répondait invariablement : “ Il faut faire tourner la petite terre.”

Paichel se fit saisir fermement par quatre gardiens vraiment insensibles à ses avertissements lorsqu’il fut question de le conduire dans un atelier spécialisé dans la programmation des androïdes. Pour cela, il fallait ouvrir la boîte crânienne du prisonnier pour ensuite y introduire un réflecteur d’ondes cérébrales. En effet, un androïde de l’an 2200 était physiquement semblable à l’humain, sauf que son cerveau contenait une mémoire et une intelligence artificielle. À première vue, il était impossible de faire la différence entre un cerveau humain et celui d’un androïde. Voilà pourquoi on devait introduire ce réflecteur qui agissait comme un miroir. Les ondes cérébrales étaient captées sur celui-ci et les spécialistes pouvaient ensuite recueillir toutes les informations contenues dans la mémoire. Comme Paichel n’avait pas l’intention de se laisser jouer dans la tête par ces scientifiques, il les informa à trois reprises de ne pas toucher à son cerveau. Mais peine perdue, les gardiens lui emprisonnèrent la tête dans une sorte d’étau sophistiqué et un casque muni de plusieurs trous lui fut posé sur le crâne. Puis, un médecin lui dit d’un air indifférent :

- Vous ne ressentirez aucune douleur lorsque je vais actionner le réflecteur d’ondes. Ça va même vous chatouiller partout dans la tête.

- Pauvre docteur, lui répondit son patient d’une voix sincère.

Le médecin prit feu comme si quelqu’un lui avait versé un bidon d’essence sur le corps avant de l’allumer. Pire encore, il tomba en cendres devant ses collègues apeurés.

- Dépêchez-vous de me détacher car les forces invisibles vont prendre des proportions terribles si vous insistez pour connaître le pouvoir de mes Maîtres de l’invisible, cria Paichel à ses bourreaux.

- C’est le réflecteur qui a été défectueux, cria un anthropologue pour empêcher les autres de libérer le prisonnier.

Au même instant, une lueur apparut au fond de la salle et se mit à tourner rapidement autour de Paichel afin de le libérer en emportant le réflecteur d’ondes vers une destination inconnue. Les témoins virent cet appareil passer à travers un mur sans toutefois le transpercer. Notre missionnaire se caressa la tête en disant ironiquement:

- Pardonnez-leur, car ils savent ce qu’ils font en vous empêchant de nuire à ma mission qui vient à peine de m’être révélée au moment précis où cette lueur tournait autour de ma tête. Rassurez-vous, mes Maîtres ne veulent pas vous imposer leur présence et encore moins profiter de leurs pouvoirs pour vous nuire. Ils veulent simplement vous aider à vous débarrasser de cette tache qui oblige les habitants de la Terre à vivre confiner dans des cités de verre.

- Nous avons vu ce que peuvent accomplir vos Maîtres de l’invisible, lui dit un scientifique encore ébranlé par la mort de son collègue. Pouvez-vous nous assurer qu’ils veulent vraiment nous aider?

- Si mes Maîtres désiraient vous nuire, ils n’auraient pas besoin d’un pauvre missionnaire comme moi pour servir d’intermédiaire. Ils me disent qu’il sera possible de cultiver le sol terrestre d’ici cent ans si vous acceptez de reprendre votre autonomie.

- Parce qu’ils pensent que nous sommes des esclaves de notre HECTOR, n’est-ce pas?, lui demanda l’infirmière d’une voix hésitante.

- Hector est votre fameux logiciel qui contrôle tout dans cette cité et surtout vos vies, lui répondit Paichel en opinant tristement de la tête. C’est ce que me disent mes guides intérieurs.

- Oui, c’est un chien androïde qui contrôle absolument tout sur cette Terre depuis qu’un savant de la fin du XXIe siècle créa un logiciel tellement sophistiqué, qu’il pouvait répondre à toutes les questions et surtout proposer des solutions pratiques dans les domaines de la vie sociale, militaire, scientifique et économique. Le professeur BOUFRAC savait si bien que des militaires et des politiciens voulaient son programme pour empêcher les survivants de la dernière guerre d’avoir enfin droit à un équilibre dans un système mondial, qu’il enferma celui-ci dans un chien androïde, appelé simplement Hector.

- C’est intéressant, lui répondit Paichel en souriant. Mais pourquoi un simple chien pouvait-il tenir tête à de nombreux ennemis qui voulaient ce programme?

- Pour tout dire, lui expliqua un scientifique, Hector est le seul androïde à posséder toutes les informations qui circulent sur notre planète et particulièrement celles qui concernent chaque habitant de Centromax, Noromax, Esomax, Sudomax et Ouesomax. Par conséquent, Hector sait tout sur nous depuis notre naissance jusqu’à notre mort afin de se protéger contre quiconque voudrait l’approcher. Ce chien voyage constamment entre les cinq cités, entouré par d’autres androïdes d’une rare intelligence. Ils savent déjà que vous êtes ici et même que notre collègue est décédé. On ne peut leur mentir, mais cela nous protège tout de même contre d’éventuels terroristes et révolutionnaires.

- Donc, c’est Hector qui joue le rôle du bon Dieu ou du diable sur Terre?

- Monsieur Paichel, je sais ce que vous pensez, lui dit l’informaticien sans attendre. C’est vrai que nous dépendons tous d’Hector, mais nous préférons cela à cette liberté qui permit à des fous de gouverner le monde pour finalement inventer des armes si monstrueuses qu’elles conduisirent à l’autodestruction de l’humanité. Si nous avons survécu, c’est seulement parce que nous vivions à cette époque sur des bases lunaires au moment de l’assaut final.

- Cela se fit à coups de bombes atomiques, suivies de nombreux séismes écologiques, se contenta de dire Paichel pour lui faire comprendre qu’il connaissait l’HISTOIRE DE LA FIN DU MONDE.

- C’est horrible ce qui arriva, mais notre devoir était de revenir rebâtir ce monde dévasté. Puis, avouons-le, nous ne pouvions subsister sur la lune à cause de nos réserves d’air insuffisantes. Nous sommes revenus cinq ans après la fin du monde pour nous établir sous terre. Puis, après la création du logiciel de Boufrac, nous avons interrogé Hector pour qu’il nous aide à survivre. Il analysa toutes les possibilités et scruta à la loupe tous les programmes que nous possédions sur la physique, la mécanique, l’informatique et de tant d’autres encore...

- Les dômes ont été bâtis selon les suggestions de ce programme ambulant?

- Oui, nous vivions sous terre et cherchions un moyen de sortir de nos terriers sans pour autant devoir nous exposer aux rayons néfastes du soleil. Hector nous fit d’abord construire des tubes-champignons en verre et par lesquels nous pouvions travailler à l’extérieur sans pour autant quitter les anciens abris nucléaires qui se trouvaient exactement sous les cinq cités de verre qui existent aujourd’hui. Vous savez, monsieur Paichel, ces immenses dômes portent le nom de verre soufflé. Nous les avons réalisés en nous servant du sable désertique et de la chaleur du soleil pour grossir les petits tubes-champignons.

- Si je comprends bien, dit le missionnaire en souriant, c’est comme si on s’amusait à souffler un champignon de verre? Cela me rappelle ces artisans qui soufflaient également dans un long tube au bout duquel se trouvait du verre mou qui prenait aussitôt une forme arrondie. Mais dans votre cas, il a bien fallu utiliser une grande pression d’air pour obtenir des dômes aussi gigantesques?

- Nous nous sommes servis de nos réserves d’air, contenu dans d’immenses réservoirs qui servaient pour des missions spatiales.

Les scientifiques discutaient amicalement avec Paichel depuis qu’ils le savaient protéger par de puissants Maîtres de l’invisible. L’un d’eux finit par lui dire que l’idéal serait de vivre partout sur Terre comme autrefois, mais Hector semblait ignorer la manière de faire disparaître cette tache qui empoisonnait l’atmosphère.

- Parlez-moi de cet anneau?, demanda Paichel d’une voix rassurante.

- Les seuls qui sauraient le faire sont morts au cours du dernier conflit mondial, lui répondit l’informaticien. Tout ce que nous savons, c’est qu’elle apparut peu de temps avant notre retour sur Terre. Nos confrères des autres cités croient fermement que la fausse Saturne n’est qu’un amas de déchets radioactifs, mais nous en sommes de moins en moins convaincus depuis que nos instruments ne détectent rien de semblable depuis quelques mois. Nous sommes parvenus à prélever un échantillon de ce nuage presque transparent et nous l’avons fait analyser par Hector. Étrangement, le programme s’est contenté de nous répondre qu’il fallait faire tourner la petite terre pour faire disparaître cette tache. Nous nous attendions à des analyses approfondies de la part d’Hector, mais c’est tout ce qu’il peut nous révéler pour le moment.

- Je dirais plutôt que c’est tout ce qu’il veut bien vous dire jusqu’au moment où il jugera utile de vous en dire plus, lui répondit Paichel en souriant. J’ai bien l’impression que cet Hector connaît non seulement le contenu de cet anneau, mais sûrement son origine.

- Selon vous, le professeur Boufrac connaissait la véritable composition de la fausse Saturne si vous prétendez que le chien androïde le sait aussi? C’est sans doute pour cela que ce savant craignait tant de voir son programme tomber entre les mains de militaires.

- Et voilà, s’exclama Paichel en opinant d’un large signe de tête. Non seulement Hector possède des informations exactes dans son programme sur ce triste anneau, mais je crois fermement que Boufrac lui a ordonné de ne pas vous aider à le faire disparaître.

- C’est ridicule, s’objecta un anthropologue. Le professeur Boufrac était un humaniste remarquable à son époque. Il n’aurait jamais voulu laisser les survivants de la Terre subir les effets néfastes d’un tel poison solaire s’il avait été en son pouvoir d’y remédier.

- Écoutez, je réalise qu’il existe déjà une adversité entre les scientifiques d’ici et ceux des autres cités. Pour le moment, vous devez tous vivre confinés dans vos globes de verre à cause de cette fausse Saturne qui limite grandement vos activités. Hector contrôle vos vies comme un dictateur de l’ordre mondial, mais puis-je lui en vouloir de s’y prendre ainsi pour empêcher l’Humanité de se lancer dans une nouvelle aventure d’autodestruction? Je lui reproche de tout contrôler, mais je comprends sa prudence. Hector ne veut pas vous voir PENSER comme des hommes, mais plutôt comme des LOGICIELS. Il se dit que si chaque humain compose l’ordinateur mondial, ou si vous voulez, l’ordre parfait, qu’il doit obligatoirement agir selon les données du programme. Hector est ce programme et donc, il désire demeurer le seul en vigueur sur cette planète. Si vous quittez vos cités pour vous établir partout dans le monde, je ne pense pas que ce chien androïde saurait posséder un contrôle absolu.

- Vous croyez que ce n’est pas dans son intérêt de nous voir peupler la Terre?, lui demanda l’infirmière d’une voix troublée.

- Ce n’est pas une question d’intérêt puisque ce chien est programmé uniquement pour empêcher les hommes de répéter les mêmes bêtises que ceux qui exterminèrent la vie sur Terre. Non, Hector est sincère lorsqu’il croit fermement devoir contrôler le monde pour le mieux. Donc, il ne veut pas que l’humanité dépasse un certain nombre d’individus, qu’il y ait surtout le moindre déséquilibre social. C’est pour cela qu’il ne désire pas vous voir guider vos propres destinées et encore moins, laisser ses sujets se disperser à travers le monde. Il craint que les humains soient encore trop fragiles pour rechercher la fraternité en dehors de ses cités de verre.

- Que voulez-vous dire exactement?, lui demanda une anthropologue.

- Simplement que la principale difficulté pour Hector consiste à empêcher des clans de se former à travers le monde. Il sait qu’une tribu ou une communauté va nécessairement puiser sa force au sein de ses membres et non en dehors de ses secteurs d’activités. Avec le temps, la tradition s’impose et isole ce groupe d’individus des autres communautés planétaires. La communication est essentielle pour comprendre les autres, mais l’histoire ancienne prouve que toutes les querelles entre les peuples proviennent justement de ces abîmes culturels et croyances entre les habitants de la Terre. Hector pense logiquement qu’il existe une planète et donc une seule race humaine, une culture, une langue, un peuple et une seule société. Cela est extrêmement dangereux puisque tous les hommes dépendent d’un seul système mondial. S’il défaille, personne ne pourra adhérer à une autre forme de survie. Vous vivez dans cinq cités semblables et surtout, régentées par un seul programme social. Pouvez-vous compter sur d’autres penseurs que cet Hector s’il perd le contrôle de la situation?

- Son programme est parfait, lui répondit l’informaticien.

- Bien sûr, mais pourquoi voulez-vous quitter ces belles cités parfaites si la vie y reflète ce que vous croyez au fond de vos coeurs? Ne vous mentez pas inutilement en vous imaginant trouver dans l’ordre parfait ce que certains appelaient l’IDÉALISATION. Rien n’est idéal, sinon l’image qu’on se fait de la valeur des choses. Vous êtes malheureux dans ce paradis où rien n’arrive sans avoir été programmé. À quoi croyez-vous exactement au cours de votre existence? Vous naissez et disparaissez sans avoir eu à vous poser la moindre question.

- Les questions et réponses nous importent peu puisque c’est Hector qui sait les poser et surtout y répondre.

- Oui, c’est Hector et pas vous, lui répondit Paichel pour le confronter à son inutilité humaine dans ce monde parfait. C’est Hector qui pense à tout et qui vous dit tout ce que vous devez penser. Donc, logiquement, vous n’êtes pas plus humain que moi, même si vous figurez dans la mémoire de son programme et pas moi! Vous prétendez que je suis un androïde sophistiqué, mais je pense que je suis sans doute le seul véritable humain de votre monde Hectorien.

Au même instant arriva un autre médecin qui venait simplement remplacer celui qui venait de disparaître en cendre. Il dit sans attendre à ses nouveaux collègues :

- Je suis le docteur Poker. Le programme m’a indiqué la description de mes nouvelles tâches à titre de remplaçant du docteur Hans. Veuillez donc me confier ses dossiers pour rétablir l’ordre des choses.

- Le docteur Hans est décédé tragiquement, tenta de lui dire l’infirmière en lui remettant une petite plaque qui appartenait au défunt.

Le nouveau collègue se contenta de saisir ce genre de puce informatique et l’introduisit simplement dans une légère fissure dans son crâne.

- Mais vous êtes de véritables tirelires humaines! s’exclama Paichel en bouffant de rire. Ce n’est pas vrai! Ne me dites pas que vous introduisez de tels trucs dans votre tête?

- C’est lui le phénomène que le docteur Hans devait étudier avec vous?, demanda le nouveau collègue.

Personne ne répondit à sa question. On aurait dit que ces scientifiques venaient de réaliser le ridicule de leur pseudo-humanisation. En effet, Paichel apprendrait bientôt que tous les habitants de la Terre subissaient une opération dès leur naissance afin de se faire installer une petite merveille électronique dans leur crâne. On lui donnait simplement le nom de Boîte sociale. Elle contenait le numéro matricule de l’enfant et même les coordonnées de sa hiérarchie sociale. Il suffisait ensuite de lui introduire différentes informations afin de meubler sa mémoire. L’enfant pouvait ensuite grandir en développant strictement les tendances et intérêts contenus dans sa mémoire. On contrôlait son destin social sans qu’il en éprouve la moindre frustration puisqu’il croyait ÊTRE CE QU’ON VOULAIT QU’IL SOIT. Ainsi, chacun vivait selon sa nature dans un monde équilibré selon les besoins de la société. Le nouveau médecin venait remplacer fièrement le docteur Hans sans se soucier le moins du monde de la raison de sa mort. Normalement, le docteur Hans ne devait pas mourir avant la fin de son mandat social et cela obligea Hector à rectifier rapidement l’équilibre en ordonnant la naissance d’un futur médecin, la promotion du docteur Poker, celle d’un étudiant en médecine à qui on abrégea ses années d’études en lui offrant des connaissances supérieures dans sa petite boîte sociale et sans compter cet autre étudiant qui allait devoir remplacer ce dernier? En effet, la mort du docteur Hans dérangeait tout l’ordre social puisqu’il manquait un pion dans cette société. On pourrait comparer cela à une toute petite faute de frappe dans une page. Pour la rectifier, il fallait déplacer tout le texte afin qu’il demeure centré et parfait. Paichel et ses Maîtres de l’invisible devenaient une sorte de virus dans ce programme Hectorien. La seule façon d’empêcher ce missionnaire de corrompre l’ordre du programme était de l’envoyer dans la POUBELLE. C’était l’endroit où les libres penseurs et les artistes pouvaient vivre sans déranger les autres citoyens.

Plusieurs gardiens entrèrent dans la salle d’examen pour obliger notre homme à les suivre sans résister. L’infirmière leur dit sans attendre:

- Ce phénomène n’est pas identifiable pour le moment, mais nous savons qu’il est original. Donc, les originaux doivent vivre dans le quartier poubelle.

- Je vous remercie ma bonne dame de votre gentille description du mot original, lui dit Paichel en suivant docilement ses gardiens. J’ose croire que les gens de ce quartier-là ont une poubelle vie que celle des autres zombies de cette cité.

L’infirmière baissa les yeux sans répondre. En réalité, Paichel ignorait que Berthe le trouvait de son goût et qu’elle souhaitait vivement le revoir dans ce quartier des originaux. On lui donnait le triste nom de poubelle sociale, mais uniquement à cause de ces anarchistes de l’ordre qu’on rejetait comme des déchets de peur que leur odeur de liberté infeste le faux parfum des soumis.

Le quartier-poubelle n’était pas tellement peuplé et on l’entourait de hautes palissades pour empêcher les citoyens de voir la honte des artistes. En effet, tous les habitants y vivaient complètement nus puisque le programme refusait de leur accorder le droit de s’identifier à un costume, à une mode ou à un style. Hector se disait que si ces gens-là ne pouvaient s’identifier à l’ordre social, qu’il n’était pas nécessaire de se soucier de les vêtir. L’état les nourrissait et les logeait dans ce bidon-quartier de verre qui ressemblait à des fonds de bouteilles géantes, mais pour le reste, les rejetés ne possédaient aucun autre droit. Ils pouvaient créer des oeuvres musicales, littéraires, artisanales à volonté et même peindre tout ce qu’ils voulaient sur les murs et les toiles, mais personne n’était autorisé à posséder la moindre oeuvre de ces gens-là. À l’occasion, un écrivain lançait un manuscrit par-dessus le mur de la honte en espérant voir un passant le ramasser pour le lire. Son livre était évidemment ramassé parce qu’il ne fallait pas salir les jolies rues de la cité. On tenait avec dédain ce tas de feuilles écrites à la main pour s’empresser de les jeter dans la gueule d’un ramasse-tout. C’était un genre de petit robot qui circulait de jour comme de nuit à travers les milliers de rues et boulevards de Centromax, en quête de nourriture. La moindre poussière, morceau de viande ou de papier suffisait à recharger momentanément ses piles fonctionnelles. Donc, il lui fallait parcourir inlassablement la cité pour se nourrir comme un itinérant robotisé.

Paichel se fit accueillir en héros par les rejetés sociaux puisqu’on savait déjà dans tout Centromax qu’un phénomène vivait sur Terre sans figurer dans la mémoire d’Hector. Notre homme se fit offrir du vin, de la bière, des cigarettes, des sucreries et bien d’autres articles interdits par la loi. Il fallait être en santé dans le reste de la cité pour éviter de nuire à l’ordre social, mais cela n’avait aucune importance dans la Confrérie de la Plus Belle. C’était ainsi que les artistes et libres penseurs avaient appelés leur paradis perdu. Paichel se mit à sourire comme un enfant dès qu’il entendit des rires enjoués et des jeux de mots sur la politique et la société en générale. Un homme lui serra la main en lui disant d’une voix franche :

- Je te salue, maître phénoménal. Je me nomme, Ludevick Mayer, ancien membre de la grande société de Centromax et converti à la Confrérie de la Plus Belle depuis au moins vingt ans.

- Enchanté, lui répondit le missionnaire amusé par son étrange coiffure ressemblant à deux cornes de bison. Mon nom est Mêléus Denlar Paichel.

- Pas vrai, lui répondit aussitôt une vieille femme dont les oreilles étaient transpercées par des anneaux de verre. Tu es le missionnaire que j’ai vu dans ma boule de cristal.

- Vraiment?

- Laisse-là faire, elle voit tout le monde dans sa fichue boule, incluant le bon Dieu et le diable, lui dit une autre jeune femme fort belle et aux yeux maquillés avec de la craie noire. Sara est notre charmante voyante, mais avec elle, tu ne connaîtras pas ton avenir comme avec moi.

- Voyons Amanda, s’empressa de lui dire Ludevick en riant de bon coeur, ce n’est pas le moment de faire valoir tes charmes à notre nouveau membre.

- J’aime bien les nouveaux membres, lui répondit la prostituée en souriant à Paichel.

Le missionnaire se fit alors saisir la main par un nain qui tenait à lui faire visiter le quartier. Notre homme sentit le regard approbateur des autres car ce petit homme était, Balthazar, chef élu de cette communauté. Il conduisit d’abord notre homme à l’île des fleurs où y poussait des centaines de roses aux couleurs différentes.

- Tu aimes les roses?, lui demanda le nain en les fixant d’un air ému.

- J’aime toutes les fleurs qui poussent dans l’univers, surtout celles qui sont sauvages, lui répondit le missionnaire.

- Oui, nous n’avons que des roses, mais nous tentons de les diversifier par leurs couleurs. Un jour, peut-être pourrons-nous espérer découvrir d’autres sortes de graines comme cela fut le cas avec les roses.

Le nain qui tenait toujours la main du missionnaire le dirigea ensuite vers la bibliothèque de l’inédit. C’était un petit bâtiment rectangulaire dans lequel se trouvaient tous les manuscrits interdits par la loi. Paichel en consulta plusieurs en opinant de la tête. Il soupira avant de dire au nain qui époussetait quelques feuilles jaunies en se servant de ses mains :

- Plusieurs de ces manuscrits sont extraordinaires! Pourquoi refuse-t-on de les faire éditer?

Balthazar caressa l’un des manuscrits avant de répondre :

- Hector ne veut pas faire commercialiser des oeuvres littéraires afin d’empêcher la liberté d’expression de nuire à la mentalité du peuple. Autrefois, il existait des millions de livres sur le marché dont le contenu n’était pas l’oeuvre originale d’un auteur, mais simplement ce qui faisait l’affaire aux éditeurs. Ceux-ci devaient censurer ce qui n’intéresserait pas leurs lecteurs afin de rentabiliser les oeuvres. Par conséquent, plusieurs auteurs devaient écrire ce qu’on leur demandait et non selon leur inspiration. Hector se dit simplement que toutes les oeuvres non éditées sont les vrais écrits qu’il faut protéger en interdisant leur publication.

- C’est logique, mais si personne ne peut les lire, pourquoi les écrit-on?

- Pour le plaisir de les jeter par-dessus la palissade en espérant que quelqu’un voudra tout de même en prendre connaissance illégalement. Puis, il n’y pas seulement les écrivains qui lancent leurs oeuvres sur la rue, mais tous les artistes. Les plus belles peintures se retrouvent un jour sur la rue et se font piétiner par les passants indifférents. Tu vas me dire que c’est insensé de créer un tableau pour le faire détruire par les habitants du monde endormi, mais c’est grâce à ce sacrifice si certains citoyens de Centromax finissent par se poser des questions sur leurs conditions sociales. Tu as rencontré Ludevick Mayer, anciennement le chef de la sécurité publique. Il a suffit qu’il lise secrètement mon manuscrit, intitulé : Je veux connaître Boufrac, pour qu’il s’ouvre les yeux sur la véritable intention de ce savant du XXIe siècle. Contrairement à ce qu’on dit de lui, Boufrac n’était pas l’inventeur du logiciel parfait, mais celui qui l’empêcha de tomber entre les mains des militaires de l’époque. Il avait créé Hector pour en faire son animal de compagnie et sûrement pas pour qu’il gouverne la Terre. Le programme O.M. fut inventé par des savants du XX e siècles, juste avant la fin des civilisations. Ce logiciel devait pouvoir deviner les moindres stratégies militaires à travers le monde en analysant toutes les situations possibles d’attaques et de défenses. Il se trouvait dans un vaste désert qui portait, à l’époque le nom de Gobi. C’est grâce à ce programme si les nations de la Terre ne pouvaient se faire la guerre puisque tous les missiles se faisaient dévier de leurs trajectoires par ce programme pacifique des derniers génies de bonne volonté.

- C’étaient des savants qui comprenaient sans doute que cette folie mondiale allait cesser en empêchant les hommes de s’autodétruire, n’est-ce pas?

- Ils y seraient parvenus si un séisme naturel n’avait laissé une fissure par laquelle des terroristes purent finalement s’introduire dans leur base secrète. Le puissant système informatique de la centrale fut secoué rudement et les savants périrent avant de pouvoir empêcher ces terroristes de saboter le programme pacifique. Il existe une légende concernant la fin du monde et dans laquelle il est dit que le séisme fut la cause de la défectuosité du fameux logiciel pacifique. Il est possible que plusieurs nations se soient mises d’accord pour créer une base militaire universelle où les technologies les plus avancées devaient décourager les nations qui voulaient faire la guerre. Par contre, il est peu probable que le séisme ait déréglé le programme. Ce sont des terroristes qui l’ont modifié afin d’épuiser toutes les forces militaires des nations de la Terre. Ils se servaient du logiciel pour dévier les bombes atomiques sur les pays de leur choix en laissant croire que ces erreurs étaient imputables à un programme devenu incontrôlable. On voulait détruire cette base mais aucun missile ne pouvait l’atteindre.

- Tu me parles d’une légende de la fin des temps, mais puis-je connaître laquelle?

- Celle des trois jours précédant la fin des civilisations. On dit qu’un jeune héros accepta de se sacrifier pour sauver l’Humanité en laissant boire son sang et manger sa chair par le diable lui-même. Il fut détruit par ce sacrifice en buvant le sang de l’AMOUR. On ajoute que ce héros conduisit tous les morts dans une autre dimension pour y recommencer une nouvelle vie dans un monde ressemblant à la planète Terre.

- C’est vraiment une belle légende sur la régénération de l’être, mais peux-tu me donner le nom de ce héros mythique?

- Il n’était pas mythique, mais réel comme toi et moi. On lui donnait le nom de Ba-Fon. On ajoute qu’il était accompagné d’un pauvre disciple qui avait cette ingrate tâche de le tuer afin de tromper le diable. En effet, Mercéür devait laisser croire au démon qu’il était de son côté en tuant lui-même le jeune maître de l’Amour. Il fallait également le dévorer, tout en buvant les meilleurs vins de la terre. C’est alors que Mercéür trompa le diable en lui offrant à boire le sang de Ba-Fon dont l’apparence ressemblait à un vin blanc. Dès qu’il en but, le diable se transforma en serpent et se fit enfermer dans une boîte pour l’empêcher de nuire aux humains. Tu peux t’imaginer la terrible épreuve de ce disciple qui devait tuer l’être qu’il aimait le plus pour tromper le diable? Je cherche à me l’imaginer et j’en éprouve de terribles frissons d’effroi. Je peux comprendre l’angoisse de ce Mercéür au cours de l’agonie de son meilleur ami.

- Je le comprends également, se contenta de dire Paichel en pleurant discrètement.

- J’ignorais que tu pouvais être aussi sensible à une simple légende, lui dit le nain ému.

- Tu sais, Balthazar, comme missionnaire, je voyage dans presque toutes les époques, incluant celle que tu appelles la fin du monde. Je connais fort bien Mercéür, mais je ne t’en dirai rien de plus sur lui afin de préserver son identité.

- Il porte donc un autre nom? J’aimerais pouvoir le rencontrer un jour afin de lui parler de cette légende qui prétend que le cannibalisme existait à la fin des temps.

- Oh! Une légende n’est pas un résumé exact des événements historiques, mais seulement ce qui en reste. C’est comme des fragments réels de faits exacts qui subsistent comme des ombres. On les raconte comme on peut et non avec une certaine méthodologie empirique. Il va s’en dire qu’une légende est une sorte de superstition populaire qu’il faut accepter avec quelques réserves. En ce qui concerne la pratique du cannibalisme des derniers temps, je dois préciser que la famine sévissait partout sur Terre et qu’il est possible que des affamés se soient permis de dévorer leurs semblables. Mais cela ne faisait sûrement pas partie des moeurs de l’époque. Puis, c’est évident qu’il existait une sorte de trafic de sang qui n’était pas contaminé par le SIDA et les effets de la radioactivité. Il est probable qu’on ait emprisonné des gens pour les vider de leur sang afin de le réserver à des élites militaires et politiques.

- Tout de même, comment pouvait-on s’autoriser à pendre des gens par les pieds avant de les saigner comme des cochons et même pour se nourrir de leur chair?

- Oui, c’est horrible, mais je ne pense pas qu’on saignait les gens comme des cochons. Ils se faisaient vider de leur sang par des seringues.

- Cela ne change pas le fait qu’on prenait la vie de ces malheureux pour permettre à des privilégiés de poursuivre leurs sales guerres mondiales.

- Oui, c’est exactement ce qui arriva, mais cela ne devrait pas te surprendre puisque l’histoire est remplie de pauvres gens qui se font exploiter moralement, physiquement et socialement par la classe gouvernante.

- Nous n’atteindrons sans doute jamais cette sagesse humanitaire dans ce monde encore gouverné par une minorité de savants et de techniciens. Nous avons vu les affreux résultats de la fin des civilisations qui obéissaient aveuglément à des ambitieux de toutes sortes, mais on dirait bien que les hommes aiment naturellement répéter les mêmes erreurs. Hector contrôle tout comme si l’humain n’avait plus sa place sur Terre. Nous sommes des étrangers dans un monde informatisé, mais la population s’imagine vivre sainement en se laissant introduire dans le crâne toutes sortes de logiciels qui contrôlent ses menus quotidiens, qui règlent ses activités sportives, qui conditionnent ses exercices sexuels et sans compter la quantité de partenaires qu’il faut accepter de rencontrer pour satisfaire les normes sélectives imposées selon son statut social.

Paichel répondit tristement :

- C’est ainsi que tu perçois les habitants qui t’ont rejeté, mais je ne suis pas certain qu’ils soient plus mauvais que nous. Nous ne sommes pas d’accord avec eux, mais il faudrait faire attention de ne pas trancher la question de ce qui est bien ou mal dans cela. Nous parlions de la sagesse en imaginant que nous l’obtiendrons le jour où les autres seront finalement à notre image. C’est pour cela qu’elle n’existe pas collectivement cette utopique sagesse universelle. Nous sommes le bien et ceux qui nous déplaisent sont forcément le mal. C’est ainsi que nous pensons depuis toujours et donc, la possibilité de réunir tous les hommes sous un même toit philosophique, culturel et religieux est irréalisable. Hector le sait si bien qu’il impose sa sagesse aux hommes en les conditionnant à y croire. C’est stupide de dire que c’est la technologie qui imposera sa sagesse et non celle des hommes, mais les guerres n’existent plus, les gens mangent tous à leur faim et personne n’est plus important que la machine.

- Tu es drôle, mais cela fait tout de même peur lorsque j’y réfléchis. Tu sais, j’ai lu un vieux bouquin dans lequel un anthropologue parle de l’avènement de l’homme sur Terre comme le dernier des grands prédateurs. Il n’y avait, selon lui, que les plus féroces qui pouvaient survivre sur Terre. Avant l’homme, ce fut les dinosaures et ensuite des singes féroces dont nous aurions hérité de leur nature bestiale, sans quoi nous aurions disparus comme la plupart des espèces animales et végétales. Nous sommes encore plus féroces que les dinosaures puisque nous possédons la faculté de détruire tout ce que nous voulons afin de régner sur la planète.

- C’est une triste vision de l’Homme, mais je pense que cet anthropologue n’exagérait pas. C’est un fait que nous sommes les bêtes les plus dangereuses de la création et en même temps, il faut le préciser, les plus remarquables. L’homme ignore d’où il vient et encore moins s’il retourne d’où il vient. C’est l’éternel inconnu dans un monde qu’il habite sans pour autant l’accepter tel qu’il est. Il veut tout changer, tout posséder, tout questionner surtout! Oui, c’est là qu’il tenta de séparer le bien du mal et qu’il chuta dans ses éternels raisonnements sans bornes. Tu sais, un ami me demanda un jour de passer la nuit en plein bois en sa compagnie et de lui promettre de ne pas lui poser la moindre question sur les raisons de son ermitage. Le vieux sage croyait simplement que le diable était le seul ange à demander des explications à Dieu en disant simplement : POURQUOI.

- Est-ce donc mal de se questionner?, demanda Balthazar.

- Non, pourquoi? Tu vois, j’ai répondu à ta question sans qu’elle éclaire ton esprit. La véritable réponse ne se trouve pas dans la définition du bien ou du mal, mais plutôt dans ce qui nous inspire cette réponse. Provient-elle de notre éducation, de nos faiblesses, de nos peurs, de nos joies, de nos jalousies, de nos conceptions du monde? Le seul qui puisse y répondre est ton COEUR. Si tu es sincère envers toi-même, tu ne sauras peut-être pas ce que tu cherches, mais je suis convaincu que tu seras toujours sur la route que tu dois suivre. On doit se laisser guider vers la réponse et non tenter d’y répondre soi-même. Toute la question est contenue dans la réponse.

- Que veux-tu dire au juste?, demanda le nain.

- Simplement qu’il n’y a pas de question mais la réponse. On doit ouvrir les yeux et les oreilles pour la découvrir.

- La guerre est-elle la réponse, la réalité ou une simple fatalité?

- Lorsque j’entends les hommes parler haineusement de leurs semblables, je ne me pose pas de questions sur le pourquoi de la guerre puisqu’elle est déjà conçue dans leurs coeurs. La guerre répond extérieurement à cet état d’esprit que nous entretenons envers les autres. Il ne faut pas parler d’une réalité ou fatalité puisque celle-ci changera si nous changeons notre état intérieur. Le violent croit à la guerre et le pacifique croit à la paix. Donc, la réponse se trouve en nous et non à l’extérieur. D’ailleurs, je ne connais pas personne qui puisse parvenir à la sagesse du coeur avant d’avoir fait pivoter le miroir du monde devant sa figure afin de réaliser qu’il lui ressemble étrangement.

- Tu veux dire que le sage est celui qui se croit le plus misérable des hommes?

Le missionnaire lui répond sans détour :

- Disons qu’il voit à l’intérieur de lui tout ce qu’il jugeait mauvais ou bon à l’extérieur. Il ne peut renier être ce monde qu’il voyait à sa façon du fait que celui-ci est la réponse à son état d’esprit. Il voyait uniquement ce qui concernait ses propres émotions et les jugeaient selon ses valeurs morales. Il réalise bientôt que ses valeurs ne sont pas celles des autres et donc qu’il ferait mieux de ne plus les imposer comme étant les vraies et les meilleures en soi. Il commence à se taire, à se retirer discrètement du monde des autres afin d’oeuvrer vers sa conversion. Pour ce faire, il se regarde aller dans toutes ses activités et réalise qu’il est vraiment seul. Cette solitude est salutaire pour l’amener à l’abandon. Il n’est pas celui qui laisse tout tomber, car je le vois plutôt comme ce voyageur qui n’accumule aucune gloire et richesse qu’il ne pourrait transporter dans son baluchon. Il marche un moment, désespère, pleure, s’arrête pour se reposer et reprend ensuite cette route inconnue qui le conduira dans tous les états d’âme de son univers intérieur. Il arrivera parfois dans un enfer qui le rendra dépressif et parfois dans un ciel où la paix intérieure lui fournira la force de persévérer dans sa noirceur. Oui, il fait noir partout et le marcheur a peur de se perdre. Pourtant, il est guidé à son insu par des forces grandioses qui veulent l’aimer malgré ses résistances. Le voyageur veut tellement être libre qu’il finit par arriver dans le pays des libérations.

Il s’y promène pour voir toutes les illusions qui le rendaient esclave et s’en défait comme d’un costume ridicule. Il arrive finalement tout nu dans la riche vallée des consolations. Il se regarde bientôt sur l’onde limpide d’une source originelle pour réaliser qu’il ne se voit plus du tout. Il est là, mais son corps est devenu si minuscule qu’il est de la taille d’un atome. Le marcheur sait alors que son nom est trop court pour être prononcé, que sa forme est trop petite pour lui donner un nom et que sa valeur ne vaut rien sans l’ensemble de la Création. Il revient de son voyage sans aucun désir puisqu’il ne sait plus comment questionner une réponse.

Vraiment surprit par ses propos, Balthazar s’exclame aussitôt :

- Il devient sa propre réponse?

- J’aurais le goût de te dire que la Vie ne se pose pas de questions et donc que c’est la peur de la perdre qui nous fait mourir.

- Allons donc! Tu veux dire que c’est la mort qui demande toujours des réponses? C’est ridicule!

- Mais pourquoi pas? La mort nous mortifie pour nous forcer à questionner la Vie. Si tu sais que tu es vivant, tu cesses de t’intéresser aux choses mortelles; c’est normal, non? Ton corps va disparaître et tout ce qui est régi par la loi de la matière. Elle se transforme sans jamais s’immortaliser dans une forme. Tu vois, c’est cela que nous appelons la mort et pourtant, rien n’est plus vivant que cette métamorphose de la matière en perpétuel mouvement. Un corps humain ou une planète devient des particules qui servent à la Vie. Tu me diras que tu ne seras pas conscient de ta métamorphose en autre chose, mais qui se soucie de savoir ce qu’il était avant de naître en ce monde? On vit comme homme et les planètes en font autant comme planètes. La Vie ne te demandera pas si tu veux mourir. C’est à toi de savoir si tu es conscient de sa réalité ou si tu es un faux vivant. Oui, c’est ainsi que je nomme l’homme qui voit la mort comme une calamité. En réalité, la mort n’est que l’ombre de la Vie et non la fin de celle-ci.

- Le professeur Boufrac écrivit un jour sur un tableau noir : L’Homme trace sa vie sur un tableau noir mais la craie s’efface avec le temps.

- Et voilà, lui dit Paichel. Nous ne sommes pas plus importants que ce temps qui nous efface.

Balthazar opina de la tête avant de conduire Paichel dans un endroit tenu secret par les habitants de la poubelle sociale. Notre missionnaire y vit une vingtaine d’enfants illégaux dont les plus âgés pouvaient avoir une douzaine d’années. On les cachait depuis leur naissance pour éviter que le programme les découvre. En effet, ces enfants n’avaient pas le droit d’exister puisque la société n’avait rien prévu pour leur avenir. Ils étaient les fils et les filles des rejetés de Centromax qui n’ont jamais été autorisé à les faire. Donc, ils étaient destinés à rejoindre le centre de la Tranquillité. C’était une toute petite clinique où s’y pratiquait l’euthanasie. Le nain expliqua ses craintes à son nouvel ami qui respectait trop la vie pour qu’on s’amuse à pratiquer légalement l’euthanasie, encore plus lorsqu’il s’agissait d’enfants en santé, sous prétexte qu’ils n’étaient pas les BIENVENUS AU MONDE.

- Ils nous ont déjà enlevés huit enfants l’année dernière, c’est-à-dire ceux qui jouaient dans nos ruelles. Ce n’est pas une vie d’empêcher des enfants de jouer à l’extérieur par crainte de les voir se faire enlever par les EUTHANA.

- Les Euthanasistes, si ce mot existe dans la langue, sont des bourreaux puisqu’ils exécutent des condamnés à mort et non des volontaires, lui répondit Paichel sans hésiter.

- Ils se cachent derrière la douceur de cette mort sans douleur pour justifier leurs actes, gémit le nain en serrant les poings. Ils ont tué ma fille et mon fils pour ensuite tenter de me consoler en me disant que mon erreur fut simplement d’avoir été inconscient en m’imaginant pouvoir déjouer le système des naissances. Ils ajoutèrent d’une voix presque compatissante que mes deux enfants ne pourront jamais me reprocher de les avoir voulus illégalement puisqu’ils ne souffriront plus de n’avoir aucun droit dans la société.

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